Superstitions en bateau, quand la bonne chance prend le large
Lorsque les deux invités que j’attendais à bord apparurent sur le quai P4 du Marina de Procida, un mélange de curiosité, étonnement et un soupçon de panique se répandirent parmi les skippers, les mouilleurs et les dockers. Leur étonnement ne fut pas provoqué par la démarche gracieuse des dames mais plutôt par la présence arrogante d’un énorme parapluie jaune avec lequel mon amie se dirigeait vers mon bateau.
Superstitions en bateau: parapluies et parasols
En quelques secondes, les regards se tournèrent vers moi comme pour dire » c’est tes affaires maintenant » et les bouches passerènt d’une position statique à moitié fermée à la production frénétique de sortilèges de stricte observance napolitaine.
Cette horrible chose jaune était sur le pont de décharger une énorme quantité de malchance à bord. Je devais faire quelque chose. Instictivement, j’allai vite à la rencontre des mes amies qui, pendant quelques secondes, échangèrent mon agitation contre une vague d’enthousiasme. » Cela ne vient pas à bord avec nous », je dis d’une voix stridente, leur arrachant la horrible source de mauvais sort des mains.
Le parapluie fut rangé dans un placard et la petite croisière ne subit aucun accident. Mais le choc ne fut jamais surmonté et on dit que, aujourd’hui encore, les dockers de Procida parlent d’un jour où un parapluie était sur le point de monter à bord d’ un voilier.
Parce que tout le monde le sait: les superstitions en bateau sont nombreuses et de nature différente, toutes issues d’une certaine tradition et croyance, même si on a perdu la trace de certaines. Les superstitions et les contre-mesures à adopter sont différentes selon les pays d’origine du navire, du bateau et de l’équipage.
Une superstition universelle est précisément celle qui concerne l’interdiction de transporter un parapluie à bord. Cela semble être un dogme accepté chez tous les marins du monde, bien que l’origine de la croyance est inconnue.
Superstitions en bateau: il est interdit de siffler. On ne passe pas avec le vert
L’interdiction de siffler à bord 
est également universellement acceptée et il y a même ceux qui l’étendent à tous les instruments à vent. En effet, il semble que siffler même une simple chanson apporte des tempêtes.
Mais pas pour tout le monde. Pour les français, par exemple, il est permis de siffler s’il n’y a pas de vent, sauf alors devoir s’arrêter immédiatement lorsque le vent arrive pour ne pas provoquer de tempête. Selon de nombreuses sources, il semble que le sifflet soit un geste d’arrogance du marin utilisé pour défier le vent ou provoquer la colère du diable.
La couleur verte semble apporter un malheur abyssal, selon l’une des superstitions les plus répandues. Les origines sont différentes mais les plus accreditées sont deux. La première se réfère à la couleur verte des moisissures qui pouvaient attaquer les bois des voiliers, donc très dangereuses pour leur décomposition et, par conséquent, le naufrage du navire.
L’autre, au contraire, concerne la couleur verdâtre des cadavres des officiers de marine qui, s’ils étaient décédés lors de longs voyages, n’étaient restitués aux familles qu’à leur retour et donc après une longue période et dans des conditions de fraîcheur discutable.
Pas de lapins parmi les passagers, pas de bananes parmi les approvisionnements
Un lapin à bord, c’est hors de question. Dans le cas où le commandant est un superstitieux invétéré, il est même strictement interdit de prononcer le nom d’un rongeur à bord.
L’explication de cette superstition a ses racines dans la tradition maritime, c’est-à-dire à l’époque où les animaux vivants étaient embarqués pour avoir de la nourriture fraîche. Dans le cas des lapins, on a découvert qu’ils aimaient attaquer les bois et les cordes du bateau, causant des dégâts considérables à bord.
Aujourd’hui, c’est une croyance disparue en Méditerranée, mais en Angleterre, elle résiste toujours à bord de bateaux avec des commandants fièrement traditionalistes. Nous parlons de l’interdiction de porter des bananes à bord et, dans certains cas, de préparer tout aliment qui en contient.
L’origine de cette croyance réside dans la facilité avec laquelle, lors des lents transports du passé, les bananes se détérioraient, produisant du gaz méthane, très toxique. Plus triviale et moins accréditée, c’est, au contraire, la croyance selon laquelle leur peau était un danger pour les hommes d’équipage qui auraient pu glisser sur eux. En bref, il existe toutes sortes de superstitions en bateau.
Tu n’auras pas d’autre nom que mien
Quoi à propos de la possiblité 
de changer le nom d’un bateau? C’est hors de question car, ayant un âme, son nom est enregistré dans le registre des dieux de la mer, le Registre des profondeurs pour être précis que, s’il n’est pas engagé dans d’autres affaires, il semble que Poséidon lui-même s’en occupe. Changer le nom sans prévenir le chef et les autres dieux (et comment cela se fait-il?) signifie en faire un affront très grave et s’exposer à de terribles punitions. Mais ce n’est pas la seule explication qui justifie cette croyance.
Selon une explication différente, changer le nom d’un bateau peut tromper les marins qui pourraient accidentellement s’embarquer sur un mauvais navire. Entre le sacré et le profane, une autre explication concerne la coutume de baptiser à l’église la dernière douelle ou la figure de proue du voilier avec le nom donné au navire.
Douelle ou figure de proue aurait dû être la seule femme à bord et changer son nom aurait déclenché la jalousie de la femme trahie qui, par vengeance, aurait pu couler le bateau.
Par conséquent, on doit jamais changer le nom d’un bateau, sauf si…. En bref, si le bateau de nos rêves a un nom horrible, il y a des procédures pour le changer. Elles sont différentes, mais la plus accréditée concerne la nécessité de supprimer le nom d’origine de la poupe afin qu’il ne puisse refaire surface et éliminer toute référence à bord, en enlèvant ou en détruisant les porte-clés, assiettes, coussins, draps et couvertures, assiettes et verres et tous autre chose où le vieux nom figure. Mais ce n’est que le début.
La chose la plus importante est de faire route et la traverser 7 fois. La tradition française est plus rigide. En effet, elle admet le changement mais seulement le 15 août et après avoir effectué une précise série de manoeuvres visant à simulant le chemin d’un serpent mangeant sa queue.
Si, enfin, vous faites verser un verre de vin rouge par une vierge sur la proue, vous mettez une pièce sous l’arbre et faites bénir votre par un prêtre… si, en bref, vous rassemblez les dizaines de croyances répandues dans le monde, vous pouvez peut-être être sûrs de garder la malchance loin de votre bateau.
Superstitions ou traditions? La liste est interminable
On pourrait continuer encore et encore, parce qu’il y a même des croyances qui interdisent de se couper les cheveux et les ongles à bord, de naviguer le vendredi, de donner des fleurs à un marin; même parler du grand Vito Dumas serait interdit car, pour une raison mystérieuse, il semble que cela porte malheur.
Nous nous arrêtons ici. Ce sont avant tout des croyances populaires, qui contribuent cependant à transmettre des traditions anciennes et la mémoire de problèmes anciens disparus aujourd’hui.
Ce sont juste des superstitions. Mais, puisque la chance est aveugle mais son antagoniste voit très bien, c’est à vous de choisir.
Bon vent!
